Éléments à considérer lors de l’aménagement de votre érablière

Collaboration spéciale de Michaël Cliche, Ing. Forestier, Association des propriétaires de boisés de la Beauce

Comment reconnaître les érables qui coulent le plus? Avec la disparition progressive des chaudières dans nos érablières, nous avons quelque peu perdu notre lien avec le rendement individuel de nos érables. En l’absence de chaudières, l’acériculteur peut se tourner vers d’autres indices pour estimer le rendement de ses érables.

Le premier indice et probablement le plus fiable est le diamètre. En effet, le rendement en eau d’érable et le °Brix de celle-ci tendent à augmenter significativement avec le diamètre. Par exemple, selon les plus récentes études dont nous disposons, un érable de 80 cm de diamètre à hauteur de poitrine (1.3 m du sol) donnerait environ 80 litres d’eau d’érable par saison, tandis qu’un arbre de 30 cm à la même hauteur ne donnerait que 26 litres. Le ° Brix de la sève, lui aussi, augmente généralement avec le diamètre, mais de manière beaucoup moins prononcée. Il est ici question d’une augmentation de 0,1° Brix en moyenne par 10 cm d’augmentation du diamètre.

Le diamètre n’est pas le seul paramètre qui favorise le rendement. La croissance des dernières années, la hauteur totale de l’érable et la taille de sa cime jouent aussi un rôle dans le rendement. Ce qu’il faut retenir ici, c’est qu’il a été prouvé que la productivité des érables augmente avec leur croissance et leur dimension. Ainsi, dans vos érablières, certains érables donnent un rendement de ½ livre de sirop par entaille, alors que d’autres en donnent plus de 10.

Quels érables sont les plus susceptibles de mourir au cours de la prochaine rotation de tublure?

On a longtemps pensé que les arbres les plus susceptibles de mourir à court terme étaient ceux qui étaient affectés par des chancres et des champignons de carie. Cependant, de récents travaux ont démontré que le dépérissement en cime était de loin le meilleur indicateur d’une mort imminente chez l’arbre. Plus précisément, la probabilité de mortalité semble augmenter lorsque ce dépérissement excède plus de 15% celui de la moyenne des autres arbres. Après le dépérissement en cime, les meilleurs indicateurs sont les chancres, puis les champignons de carie, puis les défauts accompagnés de pourriture (blessures mécaniques, fentes).

Mais qu’entend-on par dépérissement? Le dépérissement en cime est caractérisé par la mort progressive des rameaux, à partir de leurs extrémités. Les causes de ce phénomène sont multiples : espèce mésadaptée au site, perturbations naturelles (sécheresses, maladies, épidémie d’insectes), blessures et j’en passe. Lorsque la cause principale est connue, il est possible de renverser lentement le phénomène. Par exemple, sur un site déficient en calcium dont les érables dépérissent, l’application de la bonne dose de chaux permettra d’arrêter le dépérissement, voir même d’augmenter la taille des cimes des érables.

Quel est le meilleur moment pour dégager un érable?

La croissance des érables de 50 ans et moins augmente lorsqu’on dégage leurs cimes. Passé 50 ans, la réaction est généralement plus faible. Inversement, dégager un érable trop tôt et trop intensément favorisera l’apparition précoce de fourches et de grosses branches sur le tronc. Ces fourches et ces branches sont susceptibles de se rompre, particulièrement lors d’épisodes de verglas, ce qui créera des portes d’entrée pour les chancres et les champignons de carie. Lorsqu’on aménage une érablière, on cherche donc à dégager les tiges qui ont entre 5 cm et 30 cm de diamètre. Évidemment, nous parlons ici d’arbre vigoureux dont la cime n’est pas dépérissante.

Quelle est l’intensité de récolte pour favoriser la régémération?

Maintenant que nous savons quelles tiges dégager et quelles tiges récolter, quelle est l’intensité de prélèvement idéale à récolter pour favoriser la croissance des tiges résiduelles et favoriser la régénération ? En volume de bois, un prélèvement optimal semble se situer entre 10 et 25% par période de 15 à 25 ans, selon la croissance de la forêt. Ce prélèvement peut être fait en une seule intervention durant les rotations de tubulure ou progressivement au fil des années. Il est préférable d’éviter de créer des trouées dont le diamètre est plus grand que la hauteur des arbres dominants (15 à 25m de diamètre). Des ouvertures plus grandes dans le couvert favoriseront des espèces compétitrices, voire même envahissantes, au détriment des érables et des espèces compagnes souhaitées. Inversement, conserver une trop grande quantité d’arbres limitera la croissance.

Quelles espèces favoriser?

Il est généralement admis qu’il est préférable de favoriser l’érable à sucre au détriment de l’érable rouge et les érables au détriment des autres espèces d’arbres en érablière. Ce qu’il faut savoir, c’est que chaque espèce d’arbre est adaptée à des conditions climatiques et édaphiques (relatives au sol) données. Par exemple, l’érable à sucre pousse bien dans les sols riches (surtout en calcium) et bien drainés, alors que l’érable rouge, lui, pousse aussi bien sur les sites riches et bien drainés que les sols plus humides et plus pauvres. Un arbre qui pousse en-dehors de son milieu optimal aura une faible croissance et sera plus sensible aux perturbations (sécheresses, épidémies d’insectes, gel tardif, etc.).

Plus l’érablière est diversifiée, plus elle sera résiliente aux perturbations. Cela dit, certaines espèces se prêtent mieux à l’exploitation acéricole que d’autres. Ainsi, chez les feuillus, les bouleaux jaunes, les tilleuls, les caryers, les chênes, les frênes, les cerisiers tardifs et les ostryers de Virginie sont à privilégier. Du côté des résineux, les épinettes, les pins, les pruches du Canada, les thuyas occidentaux et les mélèzes laricins sont aussi de bons compagnons pour les érables.

Concernant la quantité d’espèces compagnes, il n’existe à ce jour pas d’étude permettant de statuer quelle proportion il est souhaitable de conserver dans nos érablières. À l’heure actuelle, une cible minimale de 15% est recommandée. Sur les sites humides ou encore très secs, il est préférable d’en conserver encore davantage qui sont mieux adaptées que les érables dans ces conditions.

En conclusion, en observant le diamètre, la santé de la cime et en contrôlant les espèces environnantes, les acériculteurs peuvent identifier les érables les plus productifs, maximiser leur rendement et assurer la santé à long terme de leurs érablières.

À propos de l’APBB

En affaires depuis 1962, l’Association des propriétaires de boisés de la Beauce (APBB) joue un rôle prédominant dans la mise en marché des bois de la forêt privée. Elle représente 11 000 propriétaires forestiers d’un territoire comptant 62 municipalités réparties dans 7 MRC, à qui elle offre un service de formation et d’information, en plus de mettre à leur disposition une gamme étendue de services-conseils en aménagement forestier et acérico-forestier. L’Association est affiliée à la Fédération des producteurs forestiers du Québec (UPA).

En 2022, l’APBB a lancé le Guide d’aménagement des érablières, rédigé par deux experts de ses Services acéricoles : Michaël Cliche, ing.f. et Anne Boutin, ing.f. Cet ouvrage est une somme d’informations scientifiques à jour, vulgarisée à l’intention des producteurs acéricoles. L’APBB est aussi membre du Créneau acéricole, et a contribué à la mise en place de La Station acéricole par les PPAQ, contribuant occasionnellement au contenu.

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