Rendement total des érables rouges
Les érables rouges (plaines, Acer rubrum) sont abondants dans toute la région productrice de sirop d’érable des États-Unis et du Canada, en particulier dans les régions du sud et du centre ouest. Ils sont capables de s’adapter à des conditions de croissance et à des climats variés. Ils poussent partout, autant dans des sols humides et marécageux que sur des crêtes et des plateaux en milieux secs. Leur capacité à s’adapter et à prospérer dans divers environnements et conditions de croissance signifie également que, contrairement à l’érable à sucre, leur prévalence dans les forêts de la région productrice de sirop d’érable devrait augmenter dans le contexte de futurs changements climatiques. Pour cette raison, il est probable que l’érable rouge devienne une espèce de plus en plus importante pour la production de sirop d’érable. En outre, sa présence dans les érablières est un moyen d’atteindre des niveaux supérieurs de biodiversité, un facteur essentiel pour soutenir la résilience de ces forêts face au stress actuel et futur.
De nombreux producteurs incluent les érables rouges comme arbres de récolte sans y réfléchir à deux fois. Et pourtant, bien d’autres encore passeront devant sans même s’y arrêter. Pourquoi cette différente attitude au sujet des érables rouges? Une grande partie de cette réaction découle d’une certaine discrimination persistante : celle qu’ils produisent des rendements inférieurs aux érables à sucre, car leur sève cesse de couler plus tôt, ou alors celle qu’ils produisent un sirop de goût inférieur ou qui présente un goût de bourgeon plus tôt que l’érable à sucre. Mais ces affirmations sont-elles vraies? La plupart de ces croyances proviennent d’observations anecdotiques réalisées selon un processus traditionnel de collecte de la sève, soit en entaillant l’arbre et en récoltant la sève avec un seau, bien avant que l’utilisation de l’osmose inversée ne soit courante. Cependant, aucune donnée scientifique ne vient étayer ces perceptions, particulièrement en ce qui concerne les pratiques modernes de collecte et de traitement (vacuum, osmose inversée, etc.). Ainsi, en raison des nombreux avantages actuels de l’inclusion de l’érable rouge comme arbre de culture et de son importance pour la production acéricole future, nous avons mené des recherches pour combler certaines de ces lacunes dans nos connaissances. La première étape a consisté à étudier les rendements totaux des érables rouges. Avec les pratiques de collecte actuelles, notamment avec un vacuum de bonne qualité et un assainissement satisfaisant, quels sont les rendements totaux en sirop produits par les érables rouges au cours d’une saison, et comment cela se compare-t-il aux érables à sucre dans le même peuplement? La plupart d’entre nous avons probablement fait l’expérience directe des érables rouges et de leur tendance à produire de grandes quantités de sève, dont la concentration en sucre est plus faible que celle des érables à sucre. Mais à quoi cela correspond-il sur l’ensemble de la saison?
Pour répondre à cette question, 8 à 10 érables rouges et érables à sucre en bonne santé dans chacune des 4 classes de diamètre (9 à 10,9 po; 11 à 12,9 po; 13 à 14,9 po; 15 à 16,9 po) dans le même peuplement du Proctor Maple Research Center (PMRC) ont été équipés d’une chambre de collecte de sève individuelle. Au système a été ajouté une pompe vacuum à palettes rotatives équipée d’un variateur de fréquence, maintenue entre 25 et 27 Hg pendant toute la saison. Les arbres ont été entaillés à la même date (profondeur d’entaillage de 2 po, diamètre de 5/16 po), et le volume de sève et la concentration en sucre de chacun ont été mesurés après chaque période d’écoulement jusqu’à la fin de la saison. Cette dernière a été déterminée par l’arrêt de l’écoulement de la sève ou par la détection d’un mauvais goût de fin de saison, le cas échéant. L’expérience a été répétée en 2020 et 2021, avec de nouveaux tuyaux et de nouveaux chalumeaux antiretour chaque année.
Les rendements totaux en sirop des érables rouges et des érables à sucre pour les saisons 2020 et 2021 sont présentés dans la figure 1. Il n’est pas surprenant que les rendements des deux espèces aient été beaucoup plus faibles en 2021, qui était une année de faible production pour une grande partie de la région de l’érable. Les rendements des érables rouges et des érables à sucre n’étaient pas significativement différents au cours des deux années de l’étude. De plus, l’écoulement de la sève s’est arrêté au même moment pour les deux espèces les deux années.
Fig. 1 – Rendement total moyen en sirop des érables rouges (n=38) et des érables à sucre (n=35) de 9,0 à 16,9 po de diamètre pendant les saisons de production 2020 et 2021 au Proctor Maple Research Center de l’Université du Vermont. Les barres d’erreur représentent l’erreur type des moyennes. Les rendements moyens des érables rouges et des érables à sucre n’étaient pas significativement différents en 2020 ou 2021
(tests t, p < 0,4796 [2020], p < 0,1735 [2021]).
Ces résultats indiquent qu’avec un vacuum de bonne qualité et un assainissement satisfaisant, les rendements fondamentaux que l’on peut obtenir des érables rouges sont similaires à ceux des érables à sucre. Ainsi, toutes choses étant égales, un érable rouge en bonne santé a le potentiel de produire la même quantité totale de sirop chaque saison qu’un érable à sucre en bonne santé de la même taille au même endroit. Cependant, il faut garder à l’esprit que des facteurs potentiels peuvent affecter ce résultat. Par exemple, certains érables rouges ont une grande colonne centrale de bois décoloré (non conducteur), qui pourrait potentiellement réduire les rendements puisque l’aubier conducteur y est généralement moins disponible, ou bien lorsque des entailles sont percées dans celui-ci. Vous pouvez trouver une discussion plus détaillée sur le sujet et sur d’autres facteurs qui pourraient avoir un impact sur les rendements de l’érable rouge, ainsi que d’autres résultats de l’étude dans cette présentation sur la chaîne YouTube du PMRC de l’Université du Vermont : https://youtu.be/ncnlc3tLBt8
(en anglais seulement).
Fig. 2 – Installation de recherche sur le traitement de l’érable au Proctor Maple Research Center de l’Université du Vermont lors d’une expérience de traitement de la sève d’érable rouge et d’érable à sucre pure concentrée à 8 %.
Bien que les érables rouges aient eu des rendements totaux similaires à ceux des érables à sucre dans cette étude, il manque encore un élément d’information pour compléter le tout : le goût. Si la sève d’érable rouge produisait plus tôt du sirop au goût de bourgeons, ou du sirop avec un autre attribut de saveur indésirable, le rendement total ne serait plus équivalent. Nous produisons et vendons un produit basé sur la saveur, pas seulement sur les kilos de sucre. Nous avons donc étudié cette question au cours de la saison 2022, en produisant simultanément du sirop à partir de la sève pure d’érable rouge et d’érable à sucre dans des conditions de traitement identiques (figure 2), et nous réaliserons les mêmes expériences sensorielles qu’à l’habitude avec le sirop produit au cours des prochains mois pour répondre à certaines des questions concernant le goût du sirop produit à partir de la sève d’érable rouge. Est-il différent de celui du sirop produit à partir de la sève d’érable à sucre? S’il est différent, est-il moins (ou plus) souhaitable ou préféré? L’érable rouge produit-il du sirop de bourgeons plus tôt? Nous sommes impatients de le découvrir et de transmettre les résultats.
Remerciements : Le financement de ce travail a été rendu possible grâce au programme de développement Acer Access, projet AM190100XXXXG069, du département de l’Agriculture des États-Unis (USDA).